Bowling for Naperville

Je vous ai parlé mon épisode « Buffy » à mon arrivée aux US.
Ce séjour a si bien commencé, ce serait dommage de ne pas vous raconter la suite.

Un des gros avantages de cet échange inter-lycées, c’est que, ne nous voilons pas la face : on est clairement en vacances. Certes, on doit aller en cours mais étant donné qu’on choisit les matières qui nous intéressent, c’est un peu la colonie de vacances à NCHS (Naperville Central High School).
Pour vous faire une petite idée, rien que pour le sport, le lycée dispose, entre autres, d’un terrain de foot US, de plusieurs terrains de baseball (mais comme il neige à cette époque, à la place on peut faire du ski de fond), d’un terrain de basket (je viens d’ailleurs de découvrir que Candace Parker était dans l’équipe du lycée à cette époque !), d’une piscine, d’un mur d’escalade, d’une salle de muscu, d’un gymnase… On a aussi une sorte d’auto-école intégrée.
Quant au reste, il faudrait être un peu timbré pour aller en math quand on peut aller faire du design floral, créer ses propres bijoux ou apprendre à cuisiner (dans une salle dans laquelle se trouvent plusieurs mini cuisines ! C’est canon ! Enfin… jusqu’au moment où il faut goûter ce qu’on fait… À 9h du matin donc. Si le bretzel se marie très bien avec le café, les spaghettis bolognaise en revanche, c’est plus compliqué.)
À côté de NCHS, le lycée de Brandon, Kelly and co., c’est « 90210 – Bienvenue au Goulag ».

Naperville_central_high_school

On est en plein rêve américain jusqu’à ce fameux matin…
Les trois lycées de la ville ont reçu un message de menace qui dit à peu près : « une fusillade va avoir lieu dans la journée dans un des trois établissements et ce sera pire qu’à Columbine ». Deux lycées décident de fermer pour la journée. Pas Central.
Heu…. Ok. Vous êtes sûrs ? Mais sûrs sûrs sûrs ?
Ah.
Merde.

Des messages sont diffusés via les hauts-parleurs situés un peu partout dans les salles et les couloirs (quand je vous dis qu’on est en pleine série TV) :

— On ne sait pas exactement ce qui se passe ni qui est à l’origine du message mais ne vous inquiétez pas, nous contrôlons la situation.

NCHS_pic

Source : Central Times – janvier 2000

 

Hmm hmm. La situation semble parfaitement sous contrôle, effectivement.
Nous voilà HYPER rassurés !

Ce jour-là, c’est l’élection de la Reine de l’hiver : la fille qui sera reine du bal de la Saint Valentin qui a lieu quelques jours plus tard. Tous les élèves de Première et Terminale doivent se réunir dans les gradins du terrain de basket.
BAH OUAIS, on n’a qu’à tous se mettre en rangs d’oignons dans la même pièce. Ça sera vachement moins facile de nous dégommer ! LOGIQUE !

L’ambiance est bonne mais on sent quand même une petite tension (tu m’étonnes).
Tout le monde discute en attendant l’annonce de la gagnante quand soudain, par dessus le brouhaha, le bruit d’une porte qui s’ouvre.
Silence instantané.
Apnée collective.
Regards braqués vers l’entrée du gymnase.
Plus un mouvement.
On est impressionnants de synchronisation (Même Noureev n’a jamais atteint ce niveau dans ses ballets) mais totalement flippés.
On ne respire toujours pas. On est violets, à peu près.

Tout ça pour finalement voir la mascotte de l’école (un mec habillé en aigle rouge) entrer par une porte, traverser la salle et en ressortir par une autre. Tranquillement…
Ce sens du timing…
Jamais une peluche (géante, tout de même) ne m’aura aussi fait peur..!

On apprendra finalement dans la soirée que l’auteur des menaces a été arrêté mais que ce n’était en fait qu’une « mauvaise blague ».
HA.HA.HA. QU’EST CE QU’ON A RI. MERCI BEAUCOUP !

 

 

PS : Voici l’article paru dans le journée du lycée quelques jours plus tard. Et bien entendu, la stratégie du « On va leur en dire un peu mais pas trop histoire de faire taire la rumeur sans créer de panique » n’a pas hyper bien fonctionné…

Central_Times_Naperville

 

J’aurais tellement (pas) pu être Buffy !

Année de Première
Echange inter-lycée pour 3 semaines avec NCHS (Naperville Central High School) – Banlieue de Chicago
Autant vous dire que l’excitation est à son comble !

Ma famille d’accueil est adorable (pour de vrai).
Le premier jour, on fait connaissance, on cale 2/3 trucs :

  • Ma correspondante, persuadée que le micro-ondes n’existe pas en France, m’explique le principe du réchauffage de la nourriture devant son père qui contient son fou-rire en me voyant écouter poliment
  • La maman me fait un café. Tellement léger que j’ai du mal à le boire. Elle re tente en forçant un peu, histoire d’avoir le bon dosage pour le petit déjeuner. C’est toujours pas ça. À la 3e tentative, plus personne ne peut le boire…et bien entendu, je ne vois pas la différence avec la première version donc on laisse tomber (mais ils me prennent pour une warrior du café et j’entretiens ainsi l’image des Français à ce sujet)
  • La petite soeur de ma correspondante me laisse sa chambre au 1er étage et s’installe dans celle de son frère pour que j’ai un endroit à moi pendant le séjour. (Tellement chou ! Merci !)
  • Oui, j’aime beaucoup la junk food mais pas tout le temps. Du coup, le GRAND placard rempli de gâteaux et bonbons en tous genres, c’est adorable mais un peu trop pour moi. Ils m’achètent donc très gentiment de la salade… et de la « Moutarde parisienne de Dijon » pour faire ma vinaigrette. ❤
  • Oui, je suis Urgences en France (sauf que j’ai 25 saisons de retard), donc on pourra regarder tous ensemble LE super épisode que tout le monde attend et dans lequel le Dr Carter et Lucy Knight se font agresser (dit comme ça, ça fait un peu morbide mais rappelez-vous à quel point on l’attendait, cet épisode !)

Les bases sont posées : j’aime beaucoup ces gens, je suis plus que bien reçue et je me sens tout de suite chez moi.

La 3e ou 4e nuit, à 5-6h du matin, j’entends du bruit venant du sous-sol. Forcément, je me demande ce que c’est… Je m’inquiète un peu aussi. Est-ce que l’un d’entre eux a un problème ? Est-ce que quelqu’un tente d’entrer ?? Je me lève et j’ouvre la porte de ma chambre en espérant un peu que le bruit aie réveillé quelqu’un d’autre que moi. Bien entendu, comme dans toute scène flippante qui se respecte, NON.
Ce serait vraiment chez moi, je n’aurais pas super envie de laisser un cambrioleur entrer ou qu’il arrive un truc à ma famille donc j’irais voir (en poussant des cris de veau pour réveiller tout le monde et faire peur aux assaillants parce que je flipperais comme jamais, sauf que là, bien entendu, je n’ose pas trop…).
Je fais donc ce que toute personne sensée ferait à ma place dans un pays où les armes sont en vente libre : je descends toute seule, en pyjama et pieds nus* pour voir qui essaie d’entrer dans « ma » maison. BAH TIENS !

Au rez-de-chaussée, le bruit se précise. Ça vient clairement du sous-sol. Quelque chose frappe fort. Pour enfoncer la porte ?? J’ai peur d’aller voir… mais j’ai encore plus peur de remonter dans ma chambre sans rien dire et qu’un mec vienne m’abattre sous ma couette (on remerciera bien les scénaristes de tous les Rick Hunter, NewYork Police Judiciaire, Walker Texas Ranger & co pour avoir fait naître ces idées très très sensées dans mon crâne de piaf à cet instant précis)
Je fais un détour par la cheminée pour m’armer d’un tisonnier (parce que c’est bien connu : une barre de fer, c’est ce qu’il y a de plus efficace face à un flingue… mais bon, dans Buffy ça marche, alors…) et je décide de descendre**.

Buffy

Moi (à 2/3 détails près)

Sur l’un des 2 côtés de l’escalier, la paroi s’arrête au niveau du sol du rez-de-chaussée. Puis, cela devient ajouré, avec une rambarde pour se tenir. En gros, ça veut dire que quand vous descendez (et donc, quand je descends cette nuit là, de fait) si une personne se trouve en bas, elle voit apparaitre vos pieds, puis vos jambes, etc… Vous en revanche, vous ne la découvrez qu’après avoir presque tout descendu…. CHOUETTE ALORS !!!

J’y vais discrètement mais après 3 ou 4 marches, les coups cessent. OH MY GOD, JE SUIS DÉCOUVERTE !
GROSSE PANIQUE ! Quitte à être repérée, je descends l’escalier presque en courant en levant le tisonnier au cas où j’ai besoin de frapper et….
Je tombe sur Pat, le père de ma famille d’accueil, en short, tee shirt et gants de boxe, tout transpirant, debout à côté de son sac de sable…. qui me regarde avec des yeux de poisson, puis éclate de rire en nous voyant, ma tête de flippette, mon pyjama, mon tisonnier et moi.
Entre 2 gloussements, il arrive quand même à articuler :

 

— Caro…?? What are you doing ?
— … Defendind the house….?
— Ah ? Ha Ha Hahaha Sorry…. hahahahHAHAHAHAHAHAH !!!!!!!!

Si vous passez par Naperville et qu’en vous promenant dans la rue, vous entendez de drôles de bruits venant d’un pavillon, pas de panique : c’est Pat. Il est encore là-bas, à rire aux larmes.

 

 
* Le fait que je n’ai pas de chaussons n’a aucun intérêt dans cette histoire. Je le précise uniquement pour que vous preniez bien conscience de ma vulnérabilité à cet instant.
** N’y voyez pas là un acte de courage. Je préfère juste savoir ce qu’il en est plutôt que de rester dans l’inconnu. Chez mes parents déjà, quand j’étais toute seule et que j’entendais des trucs bizarres, il m’arrivait très régulièrement d’ouvrir d’un coup sec la porte donnant dans le garage en hurlant : « C’est bon, sortez de là maintenant, je vous ai entendu ! » (sauf que j’aurais été bien emmerdée si quelqu’un était effectivement sorti…)